Introduction
L’eau est essentielle au développement socio-économique, à la production d’énergie et de nourriture, à des écosystèmes sains et à la survie humaine. Bien que 2,6 milliards d’individus aient accès à une eau potable améliorée depuis 1990, beaucoup trop de personnes n’ont toujours pas accès à un approvisionnement en eau géré de manière sûre. La pénurie d’eau affecte plus de 40% de la population mondiale, un chiffre alarmant qui devrait augmenter en raison de la sécheresse, de la désertification et de l’augmentation des températures mondiales en raison des changements climatiques. D’ici 2050, au moins une personne sur quatre devrait être affectée par des pénuries d’eau récurrentes.
La corruption entrave les avancées en matière de disponibilité et de gestion durable de l’eau. De nombreux objectifs de développement ne peuvent être atteints que si le secteur de l’eau est débarrassé de toutes formes de corruption. Bien que l’ampleur de la corruption varie considérablement d’un secteur et d’un pays à l’autre, les estimations de la Banque mondiale suggèrent que 20 à 40 pour cent des financements du secteur de l’eau sont perdus à cause de de la corruption. Un rapport du PNUD souligne que les principaux risques de corruption dans le secteur de l’eau comprennent la collusion, la modification et la renégociation de contrats, la corruption et le détournement de fonds, l’accaparement des ressources par les élites, le népotisme et la mauvaise gestion politique.

Photo par: Sandipan Mukherjee, Concours Photo WIN 2019.
La dimension Genre de l’intégrité.
Dans de nombreux contextes, les femmes et les filles sont les principales responsables de la gestion de l’eau au niveau des ménages. En tant que tel, elles sont directement affectées par le manque d’accès à l’eau potable destinée à la consommation et perdent du temps pour les besoins de production ou d’éducation car ce sont elles qui doivent trouver de l’eau et prendre soin des malades dans leurs familles. Cependant, les femmes ont également tendance à être désavantagées dans la prise de décisions concernant la gestion publique de l’eau – tant au niveau communautaire qu’au niveau national et international. Par exemple, très peu de femmes professionnelles occupent des postes de responsabilité dans des instances de gouvernance et de gestion de l’eau – seulement 7% de tous les ministres de l’eau et des ressources naturelles sont des femmes.
Les femmes, qui constituent la majorité des pauvres dans le monde, sont le plus souvent les principales victimes de la corruption, supportant de manière disproportionnée le poids de la corruption dans le secteur de l’eau.
Selon Cap-Net et le rapport 2014 de l’Alliance Genre et Eau, les femmes sont souvent exposées à des risques de corruption tels que la petite corruption ou la sextorsion au sein des réseaux d’eau informels, du fait que ce sont elles qui—dans de nombreux pays en développement—ont la charge de chercher de l’eau, de faire la cuisine, de nettoyer, et de laver et soigner les malades. En outre, la sous-représentation des femmes dans les systèmes de gouvernance de l’eau a un impact supplémentaire sur la transparence, la redevabilité et l’intégrité dans le secteur de l’eau.
Renforcer l’intégrité dans le secteur de l’eau à travers le cadre d’égalité des sexes.
Il est nécessaire d’adopter une approche Genre pour lutter contre la corruption dans le secteur de l’eau, mais le lien entre la lutte contre la corruption, le Genre et l’eau n’est pas suffisamment étudié et reconnu.
Premièrement, l’accent devrait être mis sur l’approche Gouvernance de la gestion du secteur de l’eau. Les programmes de réforme de l’eau ont souvent tendance à s’appuyer sur des approches de gestion pour résoudre les problèmes majeurs. Pourtant, l’accès inégal et non durable à l’eau est souvent attribué à la corruption, à la malhonnêteté et aux malversations. La résolution de ces problèmes nécessite une approche qui renforce la surveillance, la transparence, les valeurs commerciales éthiques et la participation multipartite afin d’améliorer la prestation de services et la gestion des ressources.
Deuxièmement, les stratégies de lutte contre la corruption et de gestion/gouvernance de l’eau doivent intégrer la dimension Genre. L’élimination des obstacles structurels à l’autonomisation économique des femmes, la prévention et la lutte contre les violences sexistes et la promotion de la participation et du leadership des femmes dans toutes les formes de prise de décisions pourraient contribuer efficacement à la fois à la gouvernance de l’eau et à la prévention de la corruption dans ce secteur. Par exemple, un projet aux Philippines montre comment l’autonomisation, la participation et la redevabilité des femmes conditionnent une meilleure prestation de services dans le secteur de l’eau.
Troisièmement, il est nécessaire de mener des recherches sur la manière de mieux intégrer le Genre et la lutte contre la corruption dans la gouvernance de l’eau. Des analyses sur le Genre, des données ventilées par sexe et la recherche axée sur le Genre aideront à comprendre les liens entre la lutte contre la corruption, le Genre et le secteur de l’eau. Des recherches sur les manifestations de la corruption dans le secteur de l’eau, y compris son impact disproportionné sur les femmes et les filles, (risques sanitaires et de sécurité liés à la collecte de l’eau), peuvent permettre de comprendre les formes et l’ampleur de la corruption dans le secteur de l’eau. Des recherches sont également nécessaires sur la manière de mieux intégrer le Genre et la lutte contre la corruption dans la gouvernance de l’eau.
Quatrièmement, les nouvelles technologies offrent des solutions pour lutter contre la corruption dans le secteur de l’eau sous l’angle du Genre. Par exemple, la surveillance par satellite, qui a déjà été utilisée pour cartographier la rareté de l’eau et d’autres problèmes, pourrait permettre de suivre les activités quotidiennes de collecte de l’eau, ce qui pourrait servir de moyen innovant pour collecter des indicateurs sur le Genre.
Conclusion
Étant donné que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est le premier plan détaillé mondial pour le développement durable, des synergies devraient être établies entre l’objectif 5 «Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles», l’objectif 6 «Eau propre et assainissement» et l’objectif 16 «Paix, justice et institutions fortes». Au PNUD, nous essayons de rassembler les trois axes de travail afin que le Genre et la lutte contre la corruption fassent partie intégrante des stratégies de gouvernance et de gestion de l’eau. La communauté de développement cependant, doit faire plus pour donner des orientations politiques et programmatiques concrètes pour résoudre le problème du « maillon manquant dans les liens entre Intégrité, Eau, Genre et Corruption.